Vous voulez de l'édifiant ?
Le "guide" des 4000
médicaments des professeurs Debré et Even ne peut susciter qu'indignation
Le Monde.fr | 23.10.2012 à 12h21
Par Docteur
Bernard Waysfeld, interniste, psychiatre, nutritionniste et président du Groupe
de réflexion sur l'Obésité et le Surpoids (www.gros.org)
Tout ce qui est excessif est
insignifiant. Cette référence à Talleyrand pourrait parfaitement s'appliquer au "guide" des
professeurs Debré et Even , qui fait aujourd'hui polémique.
Au-delà de nombreuses
erreurs facilement observables, d'approximations erronées et des sophismes qui
parcourent ce "guide", on ne peut que s'indigner etprotester vivement
contre certains propos concernant en particulier l'obésité et le
surpoids :
"Image en miroir
de la faim dans le monde, l'obésité devient le premier problème de santé
publique des pays riches, en particulier aux Etats-Unis, où l'on parle de
pandémie. L'obésité molle, huileuse et luisante, y coule, y ruisselle dans les
rues, où les quintaux de tous âges déambulent en se dandinant, Noirs et Blancs
confondus, avec aujourd'hui 35 % d'obèses et 68 % en surpoids (45 % en 1980)
(...) Trop d'hommes et de femmes passent une grande partie de leur vie,
affalés, àcalmer leurs
angoisses ou le vide de l'existence qu'ils se sont faite, et surtout qu'on leur
a faite, à dévorer, mastiquer, déglutir,
suçoter, lécher, aspirer, grignoter,croquer la
nourriture et siroter les
boissons grasses, crémeuses, craquantes, fondantes, sucrées, aromatisées ou
alcoolisés, avalant chaque jour, sans même s'en apercevoir, 1 000 à
1 500 kcal de plus que ce qui leur serait nécessaire (...). Il n'y a qu'un
traitement préventif et curatif de l'obésité qui soit efficace et sans
risque : le régime hypersévère poursuivi des années et l'exercice physique.
Il n'y a pas d'obèses en Somalie, au Soudan et
en Ethiopie,
pays des marathoniens et des multimilers, et il n'y en avait guère dans les
rues de Paris de 1940 à 1945, avec les restrictions alimentaires et les tickets
de viande, de lait, de pain, etc. L'un de nous l'a vécu. (...)".
Ignorants d'une
pathologie dont ils n'ont gardé qu'une vision datant de plus de 40 ans, les
auteurs renforcent une stigmatisation ambiante inadmissible et irresponsable,
de surcroît proférée par des médecins. Cette description porte un nom, le
racisme- anti gros. Comment se fait-il que de tels savants ignorent qu'une fois
l'obésité constituée elle reste majoritairement irréversible ? Comment se
fait-il que reprenant une vieille formule, ils ignorent que dans ce domaine
l'hérédité prédispose, l'environnement propose et bien souvent la psychologie impose ?
Qu'à ce stade, les régimes ne permettent pas un amaigrissement important et
durable. On peut espérer une stabilisation et lutter contre les
complications à condition que ces régimes ne soient ni sévères ni prolongés.
L'allusion aux
privations de la période 40-45 justifierait à elle seule une argumentation
approfondie dont je suis prêt à débattre. De même sur l'utilité et la dangerosité
de certains médicaments : L'Effexor, anti-dépresseur sérotoninergique
classé à tort parmi les antidépresseurs tricycliques, et dont le sevrage reste
le problème majeur en clinique (non signalé par les auteurs) La Clomipramine,
anti-dépresseur tricyclique, décrit comme peu efficace, alors que ce produit a
sauvé des milliers de vies depuis près de 50 ans Les médicaments
anti-cholestérol (statines) considérés comme inutiles dans pratiquement tous
les cas.
Surpris, consterné,
indigné, je reste convaincu que la médecine est un art – un travail d'artisan
qui ne peut pas tout – mais qui ne peut pas rien ; la réduction de notre
thérapeutique à une taxidermie relevant de l'entomologie n'a pas sa place dans
la médecine actuelle.
Un tel guide ne rend service ni aux malades ni aux praticiens.
Je ne sais si les
auteurs par cet ouvrage visent à une pseudo toute-puissance scientifique.
Contentons-nous de rappeler que la toute puissance ne mène qu'à l'impuissance et que la vraie médecine reste souvent l'art du compromis.
Contentons-nous de rappeler que la toute puissance ne mène qu'à l'impuissance et que la vraie médecine reste souvent l'art du compromis.
Docteur Bernard
Waysfeld, interniste, psychiatre, nutritionniste et président du Groupe de
réflexion sur l'Obésité et le Surpoids (www.gros.org)
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Reviewed by Catherine Grangeard
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avril 29, 2013
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